Rhombe
RHOMBE est le nom d’un des plus vieux instruments de musique connus, on en a trouvé des exemplaires datant de plus de 20000 ans. Il s’agit d’une planchette, de bois, d’os ou de métal, attachée au bout d’une longue corde que l’on fait tourner. Le rhombe produit un vrombissement dans lequel les hommes ont souvent reconnu des voix divines ou une sonorité de nature cosmique. L’existence du rhombe, son caractère sacré et son usage rituel sont attestés quasi universellement.
La simplicité de l’instrument, sa matérialité brute et modeste, presque triviale, loin de limiter cette puissance d’évocation et d’invocation, s’avère ouvrir au contraire une voie particulière, et d’autant plus directe, vers l’invisible. Les grandes orgues, à la technologie plus démonstrative, partagent avec le fruste rhombe, la symbolique cosmique et la capacité de faire brèche dans le visible. Mais tandis que par les grandes orgues le monde matériel semble dresser les bras vers le ciel, tentant par la grandeur de la forme de s’élever au dessus de lui-même et d’atteindre l’esprit, la simplicité du rhombe et du geste circulaire rappelle que l’esprit est là, partout à même la matière. Qu’un certain rapport obstiné et attentif à la matière a la vertu d’opérer sur l’esprit. Que le symbolisme cosmique le moins discutable est une fonction élémentaire de notre musculature. Qu’en nos gestes se nouent le visible et l’invisible.
Les trois musiciens partagent une approche extatique et brute du son.
L’absence d’effet, la rugosité, une expérimentation sur le corps et sur des instruments aussi élémentaires que possible dans leurs domaines leur est commune, comme l’est la pratique d’une forme de transe, un état paradoxal qui est autant absence à soi qu’il est présence redoublée, dans l’expérience du son.
Unissant le souffle, la salive, les éclats de pierre et l’électricité avec un brin de sorcellerie, ils composent ensemble une sorte de cérémoniel où l’intime, le concret voire le prosaïque suscitent le cosmique. Le familier du son concret soudain échappe, le voile se déchire et l’auditeur, pris dans la transe avec les musiciens, se trouve emporté dans la vision multiple.
Julien Boudart synthétiseurs modulaires, résonateur métallique, conception
Audrey Chen voix, électronique
Toma Gouband percussions, pierres, végétaux
ingénieur du son Paul Alkhallaf
production et booking Carton